Mon opinion sur Israël

Publié le par Brath-z

Le récent arraisonnement d'une flottille humanitaire destinée à Gaza par Tsahal, qui s'est conclue par une échauffourée avec tirs à balles réelles et un bilan d'au moins neuf morts et deux fois plus de blessés me conduit à exprimer sur mon blog mon opinion quant à la situation au Moyen-Orient.

 

Ceux de mes lecteurs qui me connaissent savent qu'en juin 2009, à l'occasion des élections européennes, j'ai apporté mon vote à la Liste AntiSioniste (LAS) conduite par Dieudonné. Pour les autres, vous en voilà informés. Ce vote avait été motivé par plusieurs facteurs :

  • d'abord, le peu d'importance que j'accorde aux élections européennes, qui ne servent à mes yeux qu'à élire un « parlement croupion » à l'orientation prédéfinie et encadrée par les administrations technocratiques (non-élues) de l'UE, me permet de voter sans remord pour n'importe quelle liste (j'estime en revanche que le vote, expression de la souveraineté du peuple, est suffisamment important pour que je ne m'en abstienne pas, y compris dans les cas que je juge de peu d'intérêt)

  • ensuite, la parodie qu'a été la campagne européenne au sein de toutes les formations politiques – y compris la campagne d'Europe Écologie, célébrée par Libération, Le Monde, l'Express et quelques autres comme un modèle du genre alors qu'on pouvait y entendre dans n'importe quelle réunion publique des affirmations contradictoires assenées sans aucune logique par une série de personnalités tenant plus de l'animateur de télé que du responsable politique (je pense bien entendu à Daniel Cohn-Bendit qui m'insupporte depuis 1999, mais également au gentil mais « bien brave » José Bové, ainsi qu'à quelques autres, dont Jean-Vincent Placé qui s'est à cette occasion transformé en Bayrou bis avec un remarquable talent qui n'a que d'égal le manque d'intelligence qu'il a manifesté) – m'a insupporté au point de me décider à « foutre un coup de pied au cul » à la « caste politique » toute entière (l'expression « caste politique » est de Benjamin Constant, unanimement célébré pour sa vision politique dans les cénacles de nos « élites » autoproclamées, et qualifiait dans ses écrits un moyen « raisonnable » de verrouiller le système démocratique pour lui éviter toute « dérive populeuse »)

  • enfin, et c'est là le point qui concerne plus directement la présente note, je partage un certain nombre des convictions portées par cette liste et, si je n'ai jamais utilisé ni même approuvé les mots d'ordre du type « Israël assassin », je me retrouve bien souvent dans des analyses faites par ses porte-paroles, en particulier celles d'Alain Soral, dont les analyses en la matière me semblent bien plus frappées du coin du bon sens que sur d'autres thèmes

Pour aggraver mon cas et passer irrémédiablement dans le camp des « antisémites-néo-nazis-conspirationnistes-violeurs-de-chatons-mangeurs-d'enfants-qui-se-dissimulent-sous-l'antisionisme », je précise encore adhérer à un certain nombre de thèses de Michel Collon à propos d'Israël et de son traitement médiatique, diplomatique et politique dans nos contrées, notamment de celle de l'existence de réseaux d'influence (à défaut d'un groupe d'influence cohérent et caractérisé, dit « lobby » dans l'imagerie politique que les « modernes-à-la-mode » qui pullulent manifestement dans les rédactions parisiennes transposent telle qu'elle des États Unis d'Amérique) qui influent sur notre politique intérieure autant qu'extérieure par le biais de financements de formations politiques nationales, d'une cléricature morale dogmatique et d'une omniprésence au sein des médias télévisuels français.

 

Ceci étant posé sans ambiguïté afin que vous sachiez bien à quel discours vous allez avoir à faire, je vais maintenant vous exposer mon opinion à proprement parler à propos d'Israël et de la situation présente au proche-Orient, avant d'aborder la question qui m'intéresse plus, celle du rapport entre cette situation et celle de la France à l'heure actuelle, qui explique mon intérêt pour cette question.

 

Israël

 

Le premier point dérangeant à propos d'Israël (je parle bien de l'entité politique connue sous le nom d'« État d'Israël » et pas de son actuel gouvernement) est l'ambiguïté de son statut. En effet, aboutissement de l'idéologie sioniste laïque (il existe un millénarisme religieux sioniste, apparut bien tardivement dans les années 1940 à 1960 et alimenté aussi bien par des intellectuels juifs que par des chrétiens judéophobes et des antisémites) « grâce » à l'extermination d'une bonne part – que je n'évaluerais pas, compte tenu des risques juridiques inhérents à l'exercice – des juifs d'Europe opérée par le régime national-socialiste de Hitler et de son NSDAP (régime qui n'était ni nationaliste, ni socialiste, y compris dans l'acceptation allemande des deux termes, mais c'est un autre débat), l'État d'Israël s'est déclaré « foyer national juif », « patrie des juifs du monde entier », etc., tandis que sa constitution précise le caractère laïque de ses institutions. Une telle contradiction ne pouvait qu'être préjudiciable, on le conçoit aisément. On peut l'expliquer de plusieurs façons :

  • une version « conspirationniste » : voyant que jamais l'opinion internationale nouvellement formée au travers de l'ONU et sans l'aval de laquelle jamais Israël ne pourrait exister n'accepterait jamais la création d'un état religieux juif, les fondateurs d'Israël en ont fait un état laïc dont les fondements ne pouvaient que l'amener sur la voie de la confessionalisation des institutions, à laquelle la communauté internationale devrait se résigner

  • une version « raisonnable » : voyant la multiplicité d'expression du sionisme, entre religieux et laïcs, judaïstes (on a bien des « islamistes ») et anticléricaux, etc., Ben Gourion s'est décidé à les mettre tous d'accord autour d'un consensus tenant lieu de fondement commun à tous

  • une version « cruelle » : incapables de voir les ennuis qu'allait apporter à moyen et long termes la définition ethnico-religieuse de la « judéité » d'Israël, les fondateurs de l'état se sont contentés d'imposer leurs vues en la matière à grand coups de « c'est la seule solution possible »

Il y a surement pléthores d'autres explications en la matière, et le fait est que j'ignore à laquelle me fier (surement à un mélange d'un peu tout), mais une chose est certaine, Israël s'est définie dès sa création – et sans varier à ce sujet d'un iota – depuis 1948 comme l'état des juifs du monde entier, et d'eux seuls. Les « arabes israéliens » et autres « israéliens goys » ne disposant que d'une nationalité « de second ordre » leur retirant l'essentiel de leur citoyenneté, la nationalité « israélienne » n'ayant été acceptée que depuis peu par les autorités du pays, et encore pas partout et toujours à géométrie variable, ce constat est difficilement contestable.

Pour autant, Israël est-il le pays des juifs du monde entier ? Non. Il doit y avoir à la louche de vingt à vingt-cinq millions de juifs dans le monde, quand la population israélienne est d'environ dix millions d'habitants. Sachant qu'il y a environ 20% d'« arabes israéliens » et autres israéliens non juifs, ça nous fait au maximum huit à neuf millions de juifs en Israël. Il me semble curieux, à moi, que l'état d'un peuple ne réunisse pas la moitié de ce peuple sur ses terres.

Israël est-il un « foyer pour tous les juifs » ? Non plus. Pour quelle raison, je vous prie, des citoyens de nationalité française ne subissant aucunes persécutions religieuses devraient-ils considérer comme leur « foyer » une terre étrangère ? Qu'à titre individuel quelqu'un ai une « patrie d'adoption » ne me choque nullement (mon oncle est bien parti au Brésil), mais prétendre que parce qu'ils ont en commun une foi des citoyens de toutes nations devraient se sentir fils d'une autre terre, d'un autre pays, que le leur, c'est une absurdité. Est-ce que l'Arabie Saoudite doit être considérée comme le « foyer pour tous les musulmans » au prétexte que s'y trouvent La Mecque et Médine ? Dois-je me sentir italien parce que je suis baptisé catholique ? Les bouddhistes doivent-ils se sentir tibétains, alors que le Tibet n'abrite pas 1% d'entre eux depuis dix siècles ? De même, les habitants des Kazakhstan, Turkménistan, Kirghizistan, nord de l'Afghanistan, etc. doivent-ils se sentir turques parce qu'ils sont turcophones et ethniquement turques ? Nullement. Le pays fait la nation aussi bien que la nation fait le pays.

Et on touche là du doigt l'absurdité du présupposé à l'origine de la création d'Israël : les juifs du monde entier forment une « nation-race ». Cette idée absurde (ayant des amis juifs, j'ai pu constater de visu l'absence totale de proximité raciale entre eux) est née au cours du XIXème siècle, qui a vu l'« idée nationale » triompher partout dans le « monde occidental ». Pourtant, la conception même que recouvre le mot « nation » diffère largement d'une « nation » à l'autre. Avec l'humilité qui me caractérise, j'ai, je pense, trouvé une définition exhaustive recouvrant toutes les conceptions de la « nation » : une nation, c'est un peuple constitué.

 

Je m'explique : une nation, c'est un peuple, c'est-à-dire un groupe humain existant, uni et cohérent, qui est constitué, c'est-à-dire conscient de son existence, de son unité et de sa cohérence. Les critères sur lesquels se fondent ces existence, unité et cohérence sont variables d'une nation à l'autre, ce qui entraîne des difficultés dans lesquelles nos temps sont embourbés depuis qu'une bande de lurons portant biniou a décrété que la France avait opprimé le « peuple Breton » qui devait conquérir son indépendance culturelle (je n'ai, vous le remarquez, que mépris pour ce régionalisme auto-centré, bien qu'étant moi-même d'origine bretonne par ma mère).

 

A l'aune de cette définition, tentons de voir sur quels critères peut-on se fonder au XIXème siècle pour croire que les juifs forment une nation. On le verra ensuite pour les temps actuels.

Au XIXème siècle :

  • Les juifs existent en tant qu'entités culturelles dans la plupart des pays d'Europe, d'Afrique du nord et d'Asie proche.

  • Les juifs sont unis par un socle de croyances communes. Sauf ceux qui, en Afrique du nord-est notamment, réfutent l'idée de « peuple élu ». Sauf ceux qui, en Europe latine, ne croient pas à la dispersion des douze tribus d'Israël. Sauf ceux qui, partout dans le monde, ne croient pas un mot de la Torah ni du Talmud. Sauf ceux qui, situés surtout en Asie proche, vers l'Irak, croyant en les préceptes de la Torah et du Talmud, ne croient pas en ceux des livres de Jerusalem mais en ceux des livres de Babylone, qui divergent des premiers en des points aussi marginaux que l'errance dans le désert à la sortie d'Égypte, la conquête de Canaan ou l'existence du Royaume de David. Je pourrais continuer longtemps comme ça.

  • Les juifs ont une cohérence qui repose sur une langue comm... ah non. Une proximité géographiqu... non plus. Une même origine ethniqu... ah ben non, bouducon.

Déjà, ça part mal. Comment quelque intellectuel un tant soit peu sérieux peut-il un instant songer que les juifs forment une nation ? Et de fait, personne ne pense ainsi, pas même les plus antijuifs des inquisiteurs qui en font « un peuple de parasites pécheurs punis par Dieu pour n'avoir pas su honorer notre seigneur Jésus Christ ». Si l'on emploie à leur égard les mots de « peuple » ou de « nation », on ne désigne pas par là les juifs du monde entier mais seulement ceux qui sont géographiquement proches. Et c'est bien ainsi que des pseudo-historiens « juifs laïcs » (une conception que j'ai toujours eu du mal à comprendre, mais passons) conçurent l'idéologie sioniste. Ne se plongeant pas plus dans leur sujet que les autres, uniquement concentrés sur le, louable, soucis de proposer aux juifs persécutés en Russie et Pologne une alternative à leur condition par l'émigration dans un « foyer » autre, ils se moquaient en fait de l'infinie diversité existante au sein de la religion juive – qu'ils méprisaient, la considérant comme un reste de pratiques moyenâgeuses – et, surtout, ne s'adressaient guère aux juifs situés hors d'Europe, et spécialement d'Europe centrale et orientale. Du reste, c'est parfaitement normal, puisqu'autant que je puisse en juger, il n'y a jamais eu qu'animosité, certes peu belliqueuse, ou au moins mépris réciproque entre les « juifs du froid » ashkénazes et les « juifs bédouins » séfarades (les surnoms entre guillemets m'ont été aimablement fournis par mes amis juifs, le premier par des séfarades, le second par des ashkénazes).

 

Aujourd'hui :

  • Les juifs existent en tant qu'individus croyants intégrées aux communautés nationales (comme en France) ou en communauté religieuse distincte parmi d'autres (comme en Iran ou aux États Unis d'Amérique).

  • Les juifs sont unis par un socle de croyances communes formalisé par des intellectuels laïcs et des exégètes religieux israéliens et européens au cours du XXème siècle. Sauf, bien sur, pour les trois à cinq millions de juifs environ (ce qui fait entre 12% et 25% des juifs du monde entier, donc) qui persistent à pratiquer leur foi à la manière de leurs ancêtres, manière qui diffère sensiblement de la manière « officielle », sachant qu'au sein de cette manière « officielle », les branches sont à peu près aussi innombrables qu'au sein de l'« église réformée » luthérienne ou de l'« oumma al-islamia » musulmane. Mais, en tout état de cause, l'unité est plus importante qu'au siècle précédent. De plus, on peut trouver une unité non religieuse mais historique, fondée sur une grille de lecture aussi innovante qu'imaginative, qui veut que le « peuple juif » ai été persécuté deux mille ans durant et chassé de sa patrie originelle (dont, honnêtement, rien de probant n'indique qu'elle ai seulement existé, mais c'est là une querelle d'historiens qui devrait atteindre les écoles de Tel Aviv dans deux ou trois décennies, avec un peu de chance).

  • Les juifs ont une cohérence qui repose sur l'harmonisation des pratiques cultuelles à l'échelle du monde (nonobstant les réserves émises plus haut), la langue hébraïque (dite « hébreu » pour simplifier) faite d'un mélange de langue liturgique mosaïque (elle-même ayant un nombre de variantes insoupçonné) et d'arabe vernaculaire apprise par de plus en plus de juifs à travers le monde, et enfin par la croyance de plus en plus entretenue de l'existence d'une proximité biologique entre les juifs (au point que des laboratoires de biologie tentent depuis une décennie d'identifier le « gène juif »... Hitler l'a rêvé, Israël l'a fait !).

  • Une bonne partie des juifs, pour autant que je puisse en juger, est consciente de cette existence, unité et cohérence du « peuple juif ».

On peut donc dire en étant très prudent vis-à-vis des réserves mentionnées plus haut qu'il y a en construction aujourd'hui une « nation juive ».

On peut certes s'étonner de la vitesse de création de cette nation, quand il a fallu un millénaire à la France pour en devenir une, du couronnement de Hugues Capet fondant le Royaume de France à la Révolution Française remportant la bataille de Valmy au cri de « vive la nation ! » (je considère l'opération d'harmonisation culturelle de la IIIème République comme un simple parachèvement parmi d'autres – qui sont menés encore aujourd'hui et le seront tant qu'existera la Nation française – de la construction nationale). Mais la différence entre les deux tient à mon avis à deux choses :

  • primo, les moyens techniques considérables du XXème siècle et l'augmentation tout aussi considérable du niveau d'instruction des individus à cette période ont permit la rapide transmission à des quantités considérables de gens de tous les éléments fondant une légende nationale (qui sont la scène fondatrice1, la communauté de destin2, la communauté de sensibilité3 et le sentiment d'être unique dans l'humanité4)

  • secondo, la Nation française s'est formée du fait d'une institution politique, la royauté, qui a décrété l'existence d'un « peuple de France », vérité qui a recouvert de plus en plus de réalité au fur et à mesure des siècles (je tiens le siècle pour l'unité temporelle de la communauté humaine, quand celle de l'individu est le jour) pour le dit peuple, qui a donc forgé à coups de légendes et coutumes locales intégrées dans une cosmologie plus large appelée par l'historiographie « idéologie royale » – bien qu'à la vérité elle n'ait rien en commun avec une idéologie – une communauté de vues et d'appréhensions sur tout le territoire, là où la « nation juive » ne s'est construite qu'exclusivement du fait d'intellectuels et autres figures de proue

Ces deux différences font qu'il faudra attendre à mon avis plus d'un siècle avant de voir éventuellement émerger une véritable « nation juive ». En attendant, cette éventuelle émergence, je ne vois pas pourquoi on devrait considérer qu'être juif conduit forcément à appartenir à une autre nation qu'à celle dont on est membre. Mes amis juifs sont tous sauf un (qui, lui, est effectivement israélien) des citoyens français, et à part un altermondialiste tendance « citoyen du monde » (branche écolo) et une sioniste hystérique tendance PS (dont la réaction lorsque je lui ai dit avoir voté pour la LAS a été « mais c'est des fachos ! »), tous estiment à juste titre faire partie de la communauté nationale française et ne voient pas au nom de quoi ils devraient se sentir plus de liens avec des Chinois juifs qu'avec moi ou n'importe lequel de leurs concitoyens. L'un d'eux, amateur de football (ce que je ne suis pas) m'a un jour conté cette anecdote d'un juif ultrasioniste le traitant de « traître » parce qu'il se disait supporteur de l'OM – il vit à Marseille, raison de plus – alors que selon cet étrange individu les Français juifs (pardon, les « juifs de France »), quitte à encourager une équipe française, doivent « forcément » encourager celle d'une ville se déclarant indéfectiblement solidaire d'Israël, comme Paris ou Montpellier. Autrement dit, selon certains (forts rares, j'espère), la fierté municipale même est subordonnée à la « judéité ». Lamentable.

 

Pour résumer mon opinion sur Israël : j'en conteste la légitimité en tant qu'état des juifs. Parce qu'il n'existe pas de « nation juive » et que, quand bien même ce serait le cas, je ne vois pas ce qu'il faudrait que nous fassions. Les expulser ? De plus, j'en conteste l'aspect « démocratique » et « républicain », ne serait-ce que parce qu'il établit différents niveaux de citoyenneté.

En revanche, si Israël se dote d'une constitution la figurant en tant qu'état juif (notez la nuance avec « état des juifs »), je n'aurais rien à dire. L'Iran, république irréprochable à tous point de vue (bon, pas si irréprochable que ça, mais loin d'être la tyrannie dépeinte dans nos médias dont les journaleux ne prennent même pas la peine de lire la constitution iranienne), est bien un état musulman (ou « islamique », c'est la même chose) dans lequel vivent en paix et à l'abri des persécutions des citoyens non musulmans (dont autant de juifs qu'en France, soit un bon demi-million, je précise ça pour les abrutis que j'ai rencontré en nombre et qui croient qu'il est interdit d'y être juif). On pourrait avoir une « République Judéïque d'Israël » dont le droit se fonderait sur la Hallaka mais où tous les citoyens, indépendamment de leur foi ou absence de foi, auraient les mêmes droits, quand bien même « l'opinion internationale » (c'est-à-dire l'opinion du « camp occidental ») trouverait à redire aux droits en question.

Même si je suis personnellement partisan de voir triompher pour l'humanité toute entière l'idéal républicain dont la loi n'est pas divine mais humaine, je respecte la souveraineté des peuples, notamment leur droit de se doter d'un régime religieux. Mais en revanche, je persisterait à dénier à tout état que ce soit le droit de décréter membre potentiel de sa nation des étrangers par ailleurs citoyens d'autres nations. Enfin, quoi ! Imagine-t-on de permettre automatiquement à n'importe quel francophone de devenir citoyen français ? Et pourquoi pas une nation pour les amateurs de jazz ?

 

La situation au Moyen-Orient

 

Cependant, Israël se considère contre toute logique comme l'état de la « nation juive » dont nous avons vu qu'elle n'est encore qu'en construction, ce qui entraîne un paradigme inégalitaire, qui transparaît clairement dans son système administratif par des discriminations à l'encontre des israéliens non juifs (un cinquième au moins de la population tout de même), et le refus d'être considérée comme une entité réduite à sa réalité objective (c'est-à-dire son territoire géographique et la population qui vit dessus et/ou dispose de sa nationalité). Or cet état d'esprit est, à tout le moins, fortement incompatible avec les principes politiques fondamentaux de la France (je ne parle même pas des autres nations). Le soutien de plus en plus affiché de la France à Israël me semble ainsi loin de correspondre aux prétentions affichées. Soutient-on par principe les régimes théocratiques de la République Islamique d'Iran ou du Royaume du Maroc ? Non. Nous les soutenons (je prie les fans d'Ahmadinedjad de bien vouloir croire qu'en effet la République Islamique d'Iran est largement soutenue par la France, même si ce n'est pas très apparent) parce qu'ils nous sont, dans une certaine mesure, utiles. Certes, ça peut paraître moche (quoique j'ai une certaine tendance à croire souverains les peuples, aussi n'ai-je aucun a priori négatif pour les deux régimes sus-cités tant qu'ils œuvrent dans l'intérêt de leurs peuples, ce qui me semble être largement le cas, nonobstant des réserves qu'en toute honnêteté on peut également formuler à l'encontre de la République française), mais c'est comme ça. Et bien il en est de même avec Israël. Sa prétention à vouloir être l'état des juifs est en totale contradiction avec les principes de la Nation française, et s'il faut le soutenir, c'est uniquement parce qu'il est de l'intérêt de la France d'avoir un allié pouvant exercer une pression diplomatique et militaire forte sur les pays producteurs de pétrole. Cependant, il n'y a aucune solidarité à avoir avec Israël, qui n'appartient absolument pas à notre ère de civilisation et avec lequel nous n'avons que peu d'intérêts convergents.

De plus, la France étant destinée à être en tête des nations (au moins à l'aune de ses propres critères), elle ne peut accepter l'inacceptable comportement d'Israël depuis sa création.

 

Parce que dès sa création, l'état d'Israël a entraîné toutes sortes de problèmes auxquels il a répondu de manière intolérable.

Déjà, pour sa création, vu qu'il fallait pour faire valoir les droits au « peuple juif » sur la Palestine faire pression de manière considérable, les dirigeants de mouvements sionistes ont organisé sciemment et parfois de force (voir l'histoire des juifs irakiens chassés de leurs maisons par des groupes de jeunes juifs venus de Palestine mandataire avec le soutien des Britanniques, ou encore, après la création d'Israël, cette fois, celle des juifs iraniens qui ont fuit la révolution islamique et ont voulu revenir en Iran en 1980, lorsqu'il a été clair qu'aucune persécution religieuse ne serait entreprise par le nouveau pouvoir, et auxquels les autorités politiques ont refusé des passeports) l'arrivée de dizaines de milliers de juifs étrangers.

Ensuite, dès 1948 et jusqu'aux années 2000 (parfois plus tard comme avec le Liban), Israël a adopté sciemment une attitude belliqueuse vis-à-vis de ses voisins. Certes, les dits voisins n'étaient pas non plus de fervents pacifistes, mais le fait est que la plupart des conflits ont eu pour origine une provocation militaire ou diplomatique israélienne. Ne faisons cependant pas d'Israël une entité diabolique entourée d'angelots : si les pays voisins n'ont eu que rarement l'initiative d'un conflit, c'est parce qu'ils n'en avaient pas les moyens. Seulement j'observe que le préalable que pose systématiquement Israël a toute paix prolongée et à toute coopération de ses voisins avec lui est la soumission totale et sans condition à ses vues. En d'autres termes, vis-à-vis de ses voisins, la politique étrangère d'Israël peut se résumer en une phrase : « sois d'accord ou tais-toi ». Cette attitude est, à tout le moins, irresponsable. Il est excessivement dommage qu'aucune grande formation politique israélienne ne veuille réorienter cette manière de faire, les divergences résidant plutôt dans le moyen de faire taire le voisin qui n'est pas d'accord – la guerre, les sanctions économiques, l'isolement diplomatique, plus des combinaisons de ces méthodes.

Et puis il y a aussi la violation systématique du droit international, violation qu'aucune mesure ne vient jamais punir. Le nombre de résolutions de l'ONU bafouées par Israël est considérable, personne ne l'ignore. L'arraisonnement sanglant de la flotille « Free Gaza » a beaucoup fait parler, mais ce n'est que le dernier d'une longue liste, et il sera suivi encore de quantités d'autres. Les opérations militaires dans les eaux, les espaces aériens et même les territoires de nations étrangères sont monnaie courante, de même que les actions « coup de poing » (quoique les services israéliens soient apparemment à la peine, comme en témoigne l'affaire de l'assassinat filmé par des caméras de sécurité). Bref, Israël considère que la règle commune ne vaut pas pour lui. Soit, ce n'est pas le seul dans ce cas. C'est en revanche le seul qui bénéficie d'une telle impunité au viol des règlements internationaux.

Enfin, il y a les Palestiniens...

 

La Palestine était une terre très précieuse de l'ancien Empire Ottoman. Ce n'est donc pas par hasard que, lors de son démantèlement, le Royaume-Uni l'a prise sous mandat. De nombreuses villes industrialisées, une agriculture performante, une culture et des traditions ancestrales, un réseau de chemins de fer et de routes performant, la Palestine était en fait très loin de l'image qu'en donnent aujourd'hui les historiens israéliens et internationaux. On est loin en effet des « deux arpents de sable peuplés de quelques bédouins à demi sauvages », de la « terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Inutile de dire que lorsque les vagues d'immigration massive de juifs des années 1920 à 1940 ont commencé, les populations locales ont conçu de l'hostilité vis-à-vis des immigrés. Mais les britanniques ont laissé faire. Malgré les protestations incessantes et les manifestations violentes – qui se sont parfois tournées vers des populations juives qui vivaient en Palestine depuis des siècles ! –, l'immigration sioniste n'a pas cessé, elle s'est même accrue après la seconde Guerre Mondiale. Le plan de partage de l'ONU de 1947 a été vécu par les autochtones comme une trahison : on donnait la moitié du territoire à des immigrés représentant au plus trente pour cent des habitants. Un peu comme si les États Unis d'Amérique étaient divisés en deux, les quarante millions d'immigrés sud-américains ayant droit à l'une des deux moitié tandis que les cent soixante-dix millions d'autochtones devaient se contenter de l'autre. Bon, pas tout à fait, dans les proportions, mais l'idée est là. Imaginez un peu l'ire des populations locales face à une telle proposition.

Donc, bien entendu, elles ont refusé la partition, et alors les armées nouvellement formées ont entreprit la destruction systématique des villages palestiniens autochtones, ont renommé les villes, chassé de force les habitants qui ne voulaient pas céder leurs maisons, bref, ce qu'on appelle de l'épuration ethnique.

Le reste, vous le savez, l'OLP, les réactions de la Ligue Arabe, le passage à l'extrême – le Fatah puis le Hamas, en attendant le prochain –, l'union des mouvements de « résistance » à Israël en Iran, en Jordanie, au Liban (surtout), en Égypte, en Syrie, etc. A ce propos, me vient un parallèle assez troublant et que les bien pensants (y compris ceux qui militent pour la souveraineté des Palestiniens) trouveront probablement choquant.

Savez-vous qu'entre 1936 et 1939, Adolf Hitler a demandé solennellement à la plupart des pays européens, ainsi qu'à ceux du Moyen-Orient, de l'Afrique du nord et à la Russie s'ils voulaient accueillir les juifs du « Reich Grand-Allemand » ? Évidemment, chaque pays a refusé : accueillir en quelques mois plusieurs millions d'individus, c'est une perspective pour le moins effrayante. Hitler a alors fait deux propositions : d'abord que la France, le Royaume-Uni et les États Unis d'Amérique se répartissent les trois-et-quelques millions de juifs recensés, ensuite que le Danemark donne l'indépendance au Groëland pour que les juifs puissent y fonder une nation. Face aux refus (bien prévisibles par ailleurs), il a fait construire des camps d'internement (il n'avait pas attendu ce moment, du reste) et puis vous connaissez la suite.

Et bien figurez-vous qu'Israël a proposé solennellement (et propose toujours épisodiquement) à l'Égypte, la Syrie et la Jordannie d'accueillir les Palestiniens, ce qu'ils ont tous les trois refusé. Il a alors demandé au Liban, à la Syrie et à la Jordannie de se répartir les Palestiniens. Face au refus, il a proposé au roi de Jordannie de rendre indépendante une partie peu peuplée du royaume pour les y loger. Face au niveau refus, Israël a créé des centres d'internement pour les Palestiniens, avant d'opter pour la solution « plus humaine » de l'expulsion dans les futurs territoires colonisés.

 

Bien entendu, le parallèle est osé, mais il permet de comprendre la dynamique qui anime Israël vis-à-vis des Palestiniens : comme les juifs pour les nazis, ils sont des « parasites » dont il faut se débarrasser pour conserver pure une essence. L'arianité pour les nazis, la judéité pour Israël. Bref, en un mot, c'est du déni d'humanité.

Et on s'étonne après ça qu'il y ait de l'électricité dans l'air ?

 

La situation en France

 

Et de l'électricité, il y en a aussi en France. Ce pour une simple raison : le conflit arborant l'image d'une guerre de religions, les communautés religieuses engagées sombrent dans l'hostilité. C'est ça aussi, la mondialisation. Comme on peut plus facilement appréhender qui vit loin de soi, on peut aussi ressentir plus d'empathie pour lui. Quand l'affrontement relevait de la guerre de souveraineté, il ne se répandait que dans la sphère politique. Maintenant qu'on l'a couvert d'oripeaux religieux, les « solidarités imaginaires » (pour reprendre une expression d'Alain Finkielkraut, quoiqu'il ne l'employa, lui, que pour une seule des deux communautés religieuses concernées) se font jours. Et comme il y a en France un bon demi-million de juifs pour à la louche cinq ou six millions de musulmans, évidemment, ça crée des tensions.

Ça en crée d'autant plus que depuis les années 1970 la promotion du « droit à la différence » encourage la détermination individuelle par, notamment, la religion (surtout si elle est exotique ou minoritaire : le droit à la différence, ça ne vaut pas pour l'homme blanc catholique de culture française classique qui, lui, n'est qu'un oppresseur qui doit la fermer, bien évidemment). Ainsi, alors que la Révolution Islamique n'avait, à l'époque, rencontré que peu d'échos dans les pays dits « occidentaux » qui avaient pourtant nombre de musulmans sur leur sol – alors que dans bien des pays musulmans, ça a bien pété, à l'époque –, en grande partie à mon avis parce que ces derniers, en tant que Français, ne s'estimaient pas concernés par cet événement survenu dans une lointaine contrée étrangère, les guerres « ethnico-religieuses » (en réalité géopolitiques : l'Allemagne réunifiée ne pouvant tolérer l'existence de puissance politique entre elle et la Russie) en Yougoslavie ont donné lieu à des mobilisations assez étonnantes. Et, évidemment, depuis la première intifada, le conflit israélo-palestinien entraîne des hostilités entre juifs et musulmans, chaque fois attisés par des minorités de jeunes cons se réunissant dans des groupes violents et de pseudo-intellectuels fournissant la pâture théorique servant à justifier la ratonnade. Seulement, en France, l'une des deux communautés dispose d'appuis d'état solides qui laissent croire à une influence occulte d'un « lobby ». Le fameux « lobby juif » qui à mon humble avis n'est ni un lobby ni juif (il s'agirait plutôt d'une myriade de réseaux d'intérêts se retrouvant épisodiquement sur certains sujets, qui ont tous à cœur l'intérêt de l'État d'Israël mais chacun des opinions différentes quant à la manière de le préserver en France) serait ainsi responsable de la mise à disposition de locaux d'état à la LDJ (Ligue de Défense Juive, successeur en plus violente du Betar de triste mémoire), de la sur-représentation des juifs dans l'audiovisuel national (ceci-dit, j'admets ignorer si cette sur-représentation est vraie ou fausse : je suis absolument incapable de savoir si tel ou tel nom est ou non juif, et à vrai dire ça ne m'intéresse que modérément...), du traitement de faveur médiatique dont bénéficie Israël dans la presse française (c'est vrai que j'ai été frappé par la liberté de ton dont, en Espagne par exemple, les journaux font preuve vis-à-vis d'Israël, sans même parler des États Unis d'Amérique où même les brulots antisémites, antimusulmans ou autres ont pignon sur rue), de la soumission de nos élites politiques à une communauté organisée symbolisée par le CRIF (représentant autoproclamé des « juifs de France », pardon, des « Juifs de france », depuis le début des années 2000, quand il s'agissait plutôt auparavant du représentant des Français de confession juive, ce qui était certes déjà faux mais pas autant qu'aujourd'hui), etc.

N'étant pas intégré dans les cénacles de notre « élite », je ne sais si tout cela est fait à dessein ou non, mais en tous cas une chose est certaine, ces faits n'arrangent pas les choses.

 

Je suis né dans une nation égalitaire et unie par un sentiment de fraternité dans lequel il faisait bon vivre et où l'existence était agréable, je vis aujourd'hui dans un pays en tension permanente, au bord de la guerre civile et dont une part appréciable n'estime pas appartenir à la communauté nationale. Or c'est le même pays, ce qui me fait un peu chier.

 

 

 

 

1Le baptême de Clovis pour la France, la fresque allant de la sortie d'Égypte au Royaume de David pour les juifs

2La Res Publica (la république n'est en aucun cas un simple régime politique, comme je le répète ici sans cesse, mais un principe de gouvernement) pour la France, l'exil, l'errance et la persécution pour les juifs

3Ce que j'appelle « l'esprit français » pour la France, les clichés habituels sur l'état d'esprit juif pour les juifs

4L'exemplarité pour la France, de la « Fille Aînée de l'Église » à la « Première des Nations », la primauté pour les juifs, « plus ancien peuple » dont « le destin engage celui de l'humanité toute entière »

Publié dans Mon opinion

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