Mélenchon président !

Publié le par Brath-z

Le départ de la tête historique de la branche de gauche du PS lors du congrès de Reims m'avait réjouit à deux titres : d'abord, il signifiait le retour (en force, on l'a vu aux élections européennes) de la vraie gauche*, ensuite il privait le PS de son dernier alibi pour prétendre à l'appellation "de gauche", ce qui le fragilisait à la fois électoralement et idéologiquement. La preuve qu'un parti aussi bien inscrit dans le paysage politique, un parti qui a porté un chef d'état, 6 chefs de gouvernement, trois majorités parlementaires, puisse vaciller sur ses bases et se retrouver concurrencé par une part croissante de ses anciens alliés, c'est la preuve que le système libéral lui-même peut vaciller. J'attends aujourd'hui un départ en trombe du PCD de Mme Boutin de la majorité UMP pour fragiliser de la même manière une UMP qui cherche plus que jamais à rassembler, quitte à sacrifier ses idées, dans une stratégie du "meilleur premier tour possible".
Il restait pour moi à compléter une vision éminemment politique et au fait des réalités économiques et sociales par des convictions à même de conférer à cet "instinct" une cohérence idéologique. Jean-Luc Mélenchon - et dans une moindre mesure le Parti de Gauche qu'il n'influence que marginalement (on a pas le culte du chef à gauche, paraît-il... faudra dire ça à feu George Marchais !) - semble ces derniers temps avoir évolué de manière assez radicale sur bien des points, dont deux qui me semblent à la fois décisifs et liés entre eux. Ces deux points sont le nationalisme et l'Union Européenne.

 

Je commencerai là où ça gratte : le nationalisme.

Dans une note particulièrement bienvenue sur son blog, M. Mélenchon souligne avec justesse que les patrons et entreprises étrangers qui s'installent en France doivent se plier à ses lois et principes, que la souveraineté nationale est piétinée à longueur de journée et qu'il la faut restaurer, ne serait-ce que pour rétablir le tissu social. Cela ne fait certes pas de M. Mélenchon un nationaliste exacerbé comme je le suis moi-même**. Néanmoins, force est de constater qu'il a cessé d'associer le nationalisme à la droite. Un rapprochement avec Jean-Pierre Chevènement ? L'histoire le dira.

 

Ensuite, l'Union Européenne.

Dans une autre note, ainsi que dans une entrevue avec le journaliste Jean-Michel Apathie (très bon au demeurant, quoique probable sarkozyste), M. Mélenchon explique qu'il a perdu ses illusions vis-à-vis de l'UE. Cela transparaissait déjà dans les notes de son blog relatives à sa nouvelle fonction de député européen, notes dans lesquelles il faisait part à ses lecteurs de ses exaspérations face à la lourdeur toute administrative de la principale institution (et la seule qui tire sa légitimité de la souveraineté populaire, ou plutôt des souverainetés populaires, plutôt que de l'onction des chefs d'état ou de la cooptation entre administrateurs et spécialistes) de cet étrange structure qu'est l'Union Européenne. Il y a peu, je voyais moi-même l'avenir de la France à travers l'UE, je militais même pour la création d'une nation à l'échelle européenne. Je sais aujourd'hui que ce n'est pas possible. On ne construit pas une nation là où il n'y en a pas l'intérêt. Le seul avenir de l'Europe politique est un espace de coopération entre nations souveraines. L'Europe ne saurait être supranationale. Sur ce point, de Gaulle avait vu juste, lui qui avait aussi un temps succombé aux lunes de l'Europe.

Lorsque Jean-Luc Mélenchon déclare : "je n'attends plus rien d'une telle Europe et c'est un grand changement intellectuel pour moi qui étais un ardent fédéraliste jusque là, je pense que j'ai rêvé", il fait plus qu'expliquer une radicale réorientation politique, il affirme avec force quoique sans le dire explicitement la primauté de la nation sur l'institution communautaire, et c'est très important, car depuis que le PCF n'est plus piloté par Moscou (en gros, depuis l'éléction de M. Mitterrand), la gauche de la gauche était très européiste. La campagne anti-UE d'un Gérard Schivardi préparait des changements profonds dans la relation de la gauche économique et sociale à l'Europe ; l'affirmation de ce nouvel ancrage (issu du référendum réussi de 2005 et de sa trahison en 2007) ne peut que me réjouir.

 

Si l'on ajoute à tout cela un indéniable talent de tribun, une conscience profonde des intérêts géostratégiques et géopolitiques, des principes forts et avec lesquels on ne transige pas, un pragmatisme gestionnaire qui permet d'avoir les coudées larges, une réelle stature d'homme d'état et une absence totale de goût pour le pouvoir, je n'hésite pas un instant à clamer haut et fort que Jean-Luc Mélenchon est le président qu'il faut à la France.

 


* :Méluche préfère appellation"autre gauche", sauf qu'en cohérence avec moi-même, je classe les progressistes à gauche, les conservateurs au centre et les réactionnaires à droite, donc pour moi le PS est au centre, tout comme le MoDem - qui tire sur la gauche de temps à autre - et l'UMP, donc pour moi la gauche économique et sociale, celle pour qui les questions purement sociétales ne forment que 10% des raisons de se battre, est la seule vraie gauche, "l'autre gauche", la fausse, étant celle de nos thuriféraires béats du social-libéralisme et de la toute-puissante démocratie de marché.


** : Raison pour laquelle je me suis toujours refusé de voter FN, car je considère que ce parti "nationaliste" mène avant tout des combats d'arrière-garde ("mort aux rouges", "pas de mariage gay", autant de combats inutiles à la cause nationale) dissimulés sous une logorrhée sociale et nationaliste (ne pas dire "nationale-socialiste", Le Pen n'est pas Doriot ni Degrelle).

Publié dans Mots d'humeur

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